mardi 27 novembre 2007

lundi 26 novembre 2007

Marché du Dimanche sauveur demande à être sauvé

Au pied de la citadelle de St. Gilles dans l’ancienne Tripoli, sur la rive gauche du fleuve « Abou Aly » se trouve le « marché du dimanche ». Depuis toujours, il est pour ceux qui ne peuvent se permettre les nouveautés, et aussi ceux qui collectionnent les antiquités. Témoin de plusieurs générations. Visiteur de différents endroits. Son futur demeure inconnu.

A l’entrée du marché les vendeurs appellent à leurs marchandises et offrent leurs bons prix. C’est un jour pluvieux, mais les passants ne prêtent pas attention. Ils sont là pour choisir et acheter. Par terre, quelques vendeurs ont mis leurs articles- ramassés des vides greniers. Les non vendus trouveront la poubelle en fin de journée. Mais tout ce qui est fer ou cuivre sera vendu par kilo. Partout des garçons essayent d’éliminer l’eau de pluie cueillie par les couvertures en nylon servant à protéger les marchandises. Tout cela se mêle aux chansons à hauts décibels sortant des radiocassettes, aux cris des vendeurs, et même aux gazouillements d’oiseaux enregistrés. Un petit monde bien spécial. Il fournit tout genre de marchandises : tout ce dont une personne a besoin allant des fournitures scolaires, aux vêtements, livres, accessoires de tout genre, même des appareils électroménagers. Deux femmes en jeans portant chacune un grand cadre en bois, et un petit pin planté dans un petit sac noir, croisent Oum Imad et sa fille -en pantoufles d’été malgré la pluie et le froid qui envahit subitement. Ces dernières cherchent de quoi s’habiller pour la saison d’hiver « nous sommes déplacées du camp Naher El-Bared, et c’est d’ici qu’on peut acheter ». Les intéressés par les brocantes trouvent toujours leur besoin, Youssef Saliba vient « presque toujours pour acheter des antiques, je les trouve à un bon prix. Mais aujourd’hui je cherche un orgue. Vu la pluie, les belles choses sont cachées ».

Le souk de dimanche était connu auparavant comme le souk du vendredi. Un jour de congé pour les tripolitains. Il y a bien longtemps, il se situait « devant la Grande Mosquée Al-Mansoury, à l’entrée du « marché des bijoutiers » informe Riad Mallahieh, un de ses vendeurs. « Mon arrière grand-père parle toujours que ses parents y faisaient leur course » ajoute-t-il. Depuis, ce marché a bien connu d’autres endroits : « Annaher » sur le fleuve, puis transporté au « marché des teinturiers » « souk Addabagha » à Khan el Askar. De là, il s’est déplacé jusqu’à « Mallouleh » sur la route internalionale au nord de la ville. Puis il s’est réinstallé sur la rive gauche du fleuve « Abou Aly » ou « Annaher ». D’ici, il est menacé d’être transporté bientôt. Le vendeur Ghazi Daher, aussi chauffeur de taxi, dit « nous savons pas où nous serons demain ou le mois prochain ». De sa part, Nafez Borkoh, vendeur de pantoufles, évoque « on parle que c’est le dernier mois que nous passons ici au pied de la citadelle, et nous ne savons pas encore notre nouvelle place ».
Dans son kiosque de CD et cassettes, Riad Mallahieh, membre du comité du « marché du dimanche » réclame « à chaque fois que les habitants se plaignent de notre existence, les responsables le déplacent ». Il y a quatre ans que nous -200 kiosques et stands- sommes venus ici, alors que nous étions 800 à Mallouleh -l’entrée nord de Tripoli. C’était une place stratégique au bord de la route internationale ». Dénonçant ce fait, il lève ses deux mains vers le ciel « plus d’une famille profite de chaque kiosque ou stand, alors quel est le sort de ceux qui n’ont pas pu s’installer ici faute de la dimension de cette place ? ». Se souvenant des circonstances de ce déplacement qui ne sera point le dernier, il devient furieux en évoquant « ils voulaient nous mettre dans la bobine des ordures de la ville. Nous avons refusé cette peine de mort, soutenus par les syndicats- dont ce comité fait parti- et heureusement par le ministère de la santé ». Riad annonce que « ils » sont les responsables de la ville et refuse de les nommer.

Nafez Borkoh a comme tous les autres vendeurs un autre travail durant la semaine, c’est un ouvrier constructeur avec ses frères. « Les clients nous suivent partout. Ils viennent surtout des régions de Akkar, Sir-Dennieh, El-Koura et rarement de Tripoli » affirme-t-il. Venus pour acheter des cahiers et des crayons pour leurs enfants, Mohamad Dannaoui, chauffeur de vanette et sa femme ne peuvent pas « acheter ailleurs c’est beaucoup plus cher surtout avec trois filles. Nous venons ici à chaque fois qu’elles ont besoin de quelques choses ». La pluie commence à tomber en averse, les gens courent se réfugier dans les kiosques. D’autres ne sont point gênés. Les vendeurs recouvrent vite leurs stands. Mais un type accroupi, ne faisant guère attention à la pluie, continue sans arrêt, à la manière d’un magnétophone, son offre de trois pièces à deux milles livres libanaises.

Randa Abou Chacra

A Ouzahi, l’Etat c’est le Hezbollah

Quand l'Etat libanais brille de par son absence, les habitants de Al Ouzahi n'en ont que faire: le Parti de Dieu n'est jamais très loin.

Les tapis persans sont étalés sur le trottoir, dégageant un nuage de poussière , juste à côté, des tables de chevet bien en vue face aux bergères laissent deviner une galerie parmis tant d’autres. En face, la sciure du garagiste se mélange au sang frais du mouton égorgé chez le boucher voisin. Point commun de tous ces commerces, une même photo accueille les passants: le chef du Parti de Dieu, Hassan Nasrallah faisant le “V” de la victoire.

Plus que jamais négligée par l’Etat libanais, Al Ouzahi, dans la banlieue sud de Beyrouth, bastion du Hezbollah, résiste. En attendant, les habitants ont trouvé leur substitution à l’Etat: le “Hezb”. Assisté par quelques associations caritatives, le Hezbollah improvise l’aide sociale.
Dans ce creuset aux teintes panachées, la cohabition des Chiites, Sunnites, palestiniens et syriens laisse espérer un prélude à la paix.
En dépit d’une agitation permanente et d’un va-et-vient chaotique, le commerce lutte. Mohamad Hussein, artisan de lustres d’origine palestinienne hausse les épaules, l’air désolé: “Je passe ma journée à dégager les mouches, il n’y a plus de travail! ”. Un peu plus loin, dans le quartier de mobiliers, un client passe de temps à autre. “Ca va bientôt faire deux ans que je suis fiancé”, soupire Mohamad Assayli, propriétaire d’une galerie.“Je ne crois pas pouvoir me marier de sitôt vu la situation!” ajoute-t-il, cigarette en main. Comme des milliers d’autres commerçants et habitants de Ouzahi, Mohamad ne perd pas espoir, sa ténacité à vivre dépasse les aberrations du gouvernement libanais.

Des centaines de maisons inhabitables coexistent dans cette région plus industrielle que logeable. Bien avant la guerre de 75, les propriétés auraient été illégalement achetées par de grands capitalistes. Plus tard, avec l’avènement de Hariri au pouvoir, le projet “Alyssar” financé par l’Etat de Kuwait menace de voir le jour. Objectif: raser tous les immeubles pour faire de la région une résidence touristique et construire des hôtels. Le projet est néanmoins loin d’être entamé. “Ils n’arriveront jamais à nous arracher de notre quartier”, tranche une ménagère , sourire au lèvres.“ Cette ville cache des trésors historiques, à titre d’exemple, la mosquée de l’Imam Al Ouzahi”.
Ouzahi doit effectivement son appellation à l'Imam Al Ouzahi, autodidacte vénéré et “maître de l'éducation”, “trésor de la science et source de la sagesse”.En l’ocurrence, l’éducation est loin d’être privilégiée à Ouzahi. Dépourvue d’écoles publiques malgré les vaines revendications des habitants, les jeunes d’Ouzahi préfèrent se diriger vers la spécialisation professionnelle. “Moi, je veux être médecin” riposte Nour, 14 ans, yeux pétillant d’ambition, “mais je n’aime pas habiter Ouzahi, il y trop de fumée chez nous à cause des usines, trop de bruit, trop de monde, je n’arrive jamais à étudier en paix”. Nour et ses deux frères sont asthmatiques. “Je dois visiter le médecin chaque mois” déclare-t-elle.
“C’est le cas de la plupart des jeunes de la région”, affirme Dr. Ali Al Atat, généraliste depuis plus de vingt ans à Ouzahi. Dans sa petite clinique partagée avec trois autres médecins, Ali explique que l’insalubrité de la région et la pollution des usines annexées aux foyers serait la cause principale des maladies respiratoires. Quant au matériel médical, le docteur Al Atat déclare que quelques dispensaires ainsi que le “Hezb” fournissent l’approvisionnement. L’absence de l’Etat serait ainsi compensée par la présence imposante du Hezbollah.
Privée d’eau et d’électricité, Ouzahi n’a jamais senti la présence de l’Etat libanais. “Quand Mohamad Fneish [cadre du Hezbollah] était ministre de l’eau et de l’énergie, on recevait l’électricité, mais depuis sa démission, on a des coupures de plus de 17 heures par jour!”, souligne Al Atat. Plus haut dans la ruelle, Hussein Ali Rahal, maire de 70 ans, remplit des papiers administratifs. Son bureau et sa chambre n’en font qu’un. Sa chaise de travail n’est autre que son lit. “On a longtemps négligé Ouzahi”, soupire-t-il. “Bien sûr que le Hezbollah représente l’autorité et le pouvoir chez nous, c’est lui qui nous protège. Que Dieu le préserve!”, ajoute-t-il, avec un mouvement d’émotion qui bouge son drap, laissant à découvert ses jambes amputées.

JANINE AYOUB

Entretien avec Joseph Chami, ancien journaliste et chronique historique

“Au Liban, il n’y a pas de peuple, il y a des partisans”


A quelques jours de l’élection présidentielle, Joseph Chami, auteur d’une série de livres retraçant l’histoire moderne du Liban, fait le point sur la contoverse du système électoral.


Quel système électoral a jusqu’à présent le plus représenté la volonté du peuple?

Une loi a été établie sous le mandat du président Camille Chamoun. Il s’agit d’une loi pour les élections parlementaires, mais c’est un exemple de représentation honnête du peuple. A l’époque, on avait un parlement de 44 députés. On a alors divisé le pays en 33 circonscriptions afin d’élire 44 députés. Il est vrai qu’une coloration confessionnelle était attribuée au député, mais il représentait sa région sans aucun doute. Actuellement, avoir 20 candidats sur une même liste fait passer n’importe quel personnage, qu’il soit représentatif ou non.

Quel serait alors le meilleur système électoral à adopter pour élire un Président de la République?


Je me prononce pour le système binominal.Dans ce cas, c’est la population qui nomme son représentant qui élit lui-même le député au deuxième tour. Mais actuellement, il existe une divergence d’opinion artificiellement gonflée. Il est facile de se quereller quand on ne veut pas s’approcher. La divergence d’interprétation des articles constitutionnels est déplacée, ce n’est qu’une façon d’éviter le problème en tant que tel. La question qu’on devrait se poser n’est pas quel système, mais que ferait le nouveau président? Dans quel sens pourra-t-il agir? Un président consensuel ou un moine habitant Baabda peut-il résoudre le problème?

Qu’en est-il de l’élection à la majorité parlementaire simple?

L’élection à la majorité absolue accentue le caractère de défit de la crise. Il ne faut pas qu’un candidat sente que l’autre lui lance un défit ouvert. Il faut éviter de couper le fil consensuel, éviter les mesures d’exacerbation. Tout afin d’échapper au vide constitutionnel, mais ce n’est qu’une vacance au poste présidentiel. Prenons l’exemple de la principauté belge qui n’a pas de président depuis près d’un an. Les administrations sont toujours fonctionnelles, il n’y a que la chaise du président qui est vide.

Pourquoi ne pas opter pour l’élection présidentielle au suffrage universel proposée par le chef du Hezbollah et le chef du CPL (Courant Patriotique Libre)?

Pourquoi changer le système? Actuellement, ces camps proposent ce système sachant que numériquement, ils peuvent avoir la majorité. L’aile chrétienne risque ainsi d’être tributaire de la volonté d’une ou de deux ailes musulmanes. Le suffrage est actuellement souhaité pour qu’une des trois composantes soit obligée de coopérer avec les deux autres. On serait en train d’élire un président maronite choisi par le musulman. Il ne faut pas accentuer les clivages. Les libanais ne sont pas prêts à assumer cette responsabilité.

Les libanais manqueraient de compétence…

Je suis pour consulter le peuple. Mais on doit faire face à une réalité: 80% des électeurs manquent d’éducation. Tant que les libanais réagiront en tant que “liés à” et non en tant que citoyens libanais, il leur est impossible de prendre en charge l’élection de leur Président. Au Liban, il n’y a pas de peuple, il y a des partisans. Comment effectuer un suffrage universel quand un citoyen est mesuré par rapport à sa confession? Tant qu’on n’aura pas dispensé une éducation globale, l’utilisation de la démocratie fausse le principe.


Articles de la Constitution Libanaise liés à la controverse du quorum:
Article 34
La Chambre ne peut valablement se constituer que par la présence de la majorité des membres qui la composent légalement.Les votes sont acquis à la majorité des voix. En cas de partage égal, la question mise en délibération est rejetée.

Article 49
Le Président de la République est élu, au premier tour, au scrutin secret à la majorité des deux tiers des suffrages par la Chambre des députés. Aux tours des scrutins suivant, la majorité absolue suffit.

Article 79
La chambre des députés saisie d’un projet de loi constitutionnelle ne peut valablement délibérer et procéder au vote à son sujet que lorsqu’une majorité des deux tiers des membres qui la composent légalement se trouve réunie et le vote doit intervenir à la même majorité.


Propos recueillis par Janine Ayoub

ALERTE A LA GRIPPE

Un regard de chien battu, le bout du nez rouge et agitant un mouchoir, sans oublier les lèvres craquelées et la voix enrouée. Ce n’est que le fameux rhume, simple et banal! Mais attention de ne pas confondre un petit rhume avec la grippe.

L’hiver n’a pas encore pointé le bout de son nez que la grippe s’annonce d’autant plus laborieuse. Deux mille victimes en moyenne par an au Liban de la grippe classique, victimes de l’agitation du mouchoir sous un nez déformé. S’annonçant par des courbatures et des douleurs musculaires, souvent accompagnée par un mal de tête et une fatigue intense, la grippe s’attaque à l’organisme humain sans la moindre défense. “Il n’existe pas de médicaments permettant de guérir la grippe”, affirme Nada Roukoz, docteur en pharmacie. Le seul moyen de prévention médicale serait le vaccin grippal, administré en saison épidémique dès octobre.
On a tendance à confondre le rhume et la grippe: cette dernière frappe plus violemment que le rhume. Point commun: toutes deux sont des infections virales contagieuses.
Souvent banalisée, la grippe peut entraîner des complications dramatiques, voire fatales.
D’origine germanique, le mot grippe ou « grippen » signifie « saisir brusquement ».
La grippe ne date pas d’hier. En effet, évoqués pour la première fois par Hyppocrate, il y a plus de 2400 ans, les symptômes de la grippe humaine ont abouti à des épidémies mortelles. La première pandémie remonte à 1580. Le bilan a été fortement brutal : plus de huit mille morts entre Rome et plusieurs autres villes espagnoles touchées par le virus. Mais la pandémie la plus meurtrière et catastrophique au jour d’aujourd’hui n’est autre que celle de la « grippe espagnole » entre 1918 et 1919. On estime à plus de cinquante millions le nombre de morts dans le monde.
Le virus de la grippe se modifie sans cesse, c’est pour cette raison que le vaccin doit être revisité et administré chaque année. Atef El Sayegh, médecin de famille, précise: “La grippe est une manifestation plus que normale de l’organisme humain. Cette infection virale n’est pas aussi alarmante que les études en donnent l’impression” . Une bonne prévention et un système immunitaire renforcé en sont les armes propices. “Il suffit d’opter pour une alimentation saine et équilibrée, riche en vitamines A, C et E, mais surtout en zinc et en fer”, ajoute El Sayegh. Les aliments à priviligier ne sont autres que les légumes et les fruits les plus riches en vitamines A et C (soit les oranges, les abricots, les agrumes, les pêches, l’ananas, les papayes…). “La vaccination est recommandée pour les patients à risque: les personnes âgées, les personnes atteintes de maladies cardiaques ou pulmonaires chroniques et ceux qui travaillent dans un milieu hospitalier”.
Regorgeant de patients abattus, la clinique du Dr. El Sayegh semble un terrain propice à la propagation de cette infection. Dans la salle d’attente, Gabrielle, jeune lycéenne de seize ans, perd patience. « J’ai un mal de tête atroce et une fatigue intense , ça fait plus d’une semaine que je suis dans cet état ». Sa maman Abla se plaint de son manque de concentration et de sérieux au niveau du travail scolaire : « Cette grippe n’est qu’un alibi pour ne pas travailler » rétorque-t-elle avec un sourire moqueur aux lèvres.
« On n’attrape pas la grippe, c'est elle qui nous agrippe » lance Walid à sa défense. Ce père de famille aurait transmis le virus à ses deux fils. Wael, le plus jeune, se prend d’une série d’éternuements, cinq d’affilée. Le bout du nez tout rouge et bouché, coulant en abondance, ce petit de cinq ans en est à son septième jour d’absence scolaire. “Je ne peux pas l’envoyer à l’école dans cet état”, explique son père.
N’en voulez pas à votre médecin s’il ne vous donne pas un traitement, cela ne servirait à rien. Aucun medicament n’agit sur ce virus. Il serait plus sage de prévenir avant de guérir. Un sommeil régulier et suffisant, diminuer le stress de la vie quotidienne et privilégier l’alimentation riche en agrumes : telles sont les armes contre ce virus imprévisible. L’idéal serait toutefois de ne pas être en contact avec les “grippés”.

JANINE AYOUB

dimanche 18 novembre 2007

«Le quart de mon salaire sert à acheter du lait pour mes 4 enfants»
Aliment de Croissance

L’augmentation du prix des produits laitiers se poursuit. Depuis le mois de Juillet, cette crise mondiale se répercute localement et provoque une complication quotidienne qui vient s’ajouter aux problèmes -déjà nombreux- des Libanais.

Roula remonte les escaliers les bras chargés de sacs. Dans son petit appartement au 3ème étage, elle range ses acquisitions: le placard est maintenant plein de sacs de lait pour ses enfants. «Chaque jour je dépose les enfants à l’école et je visite 2 ou 3 supermarchés du coin, j’achète les stocks disponibles avant le changement du prix» explique-t-elle. Cet aliment, source de calcium, de vitamines et de protéines, est devenu pour Roula, comme tant d’autres « une source de soucis».

Propriétaire d’une petite épicerie, Elie Doumit écoute ses clients se plaindre ou même plaisanter sur cette augmentation importune des prix. «Cléopâtre aurait fait fortune avec sa baignoire pleine de lait !» lui lâche une jeune cliente. Son commerce n’a jamais vu une hausse de prix aussi insensée d’un produit considéré indispensable, même durant les conflits et les crises «Les produits laitiers importés ainsi que les produits locaux ne sont pas épargnés. Une hausse de 25 à 40% est notée jusqu’à maintenant».

Henry Eddé, économiste, s’exprime sur cette hausse du coût du lait au niveau international en résumant les causes:
« Une baisse de la production mondiale déterminée par 2 facteurs principaux:
la succession des incidents climatiques dans des pays à forte production agricole (Australie, Nouvelle-Zélande)
et le recul de la production laitière européenne (la vente de la viande prenant le pas)
Entraînant ainsi à une diminution ou même une absence de stock alors que la demande mondiale s’accroît de plus en plus fort»

Un accroissement de 5 à 10% parait logique, mais le marché libanais ne se tient pas à ces limites.
«Le quart de mon salaire sert à acheter du lait, du laban et du fromage» explique Ahmad, soldat. Son salaire de six cent milles livres libanaises suffisait à peine à subvenir aux besoins de ses 4 enfants de moins de 7 ans et de sa femme qui ne travaille pas. Les causes de cette inflation des prix n’intéressent pas ce jeune homme, son seul souci est de joindre les deux bouts.

D’après Kamil Mouawad, employé au ministère de l’agriculture, « le gouvernement ne pose aucun quota concernant la vente du produit, et aucun subventionnement n’est prévu» ainsi les producteurs locaux et les importateurs agencent librement le tarifs de vente des produits, profitant parfois de la situation, en attendant une solution locale à cette fièvre inflationniste incontrôlée.

Les spéculations internationales parlent d’une ascension du prix du lait. Roula se jette sur son fauteuil, elle sait très bien que ses provisions de lait ne suffiront pas « J’habite au 3e sinon j’aurai mieux fait de m’acheter une vache!»

Rédigé par Patricia Bou Jaoudé
Depuis 1964, les histoires qu’il collecte sont celles de ses clients.
Un grand livre humain


Propriétaire d’une petite librairie à Broumana, banlieue de Beyrouth, Emile est le témoin vivant du quartier.

7 heures du matin, les quelques voisins encore endormis se réveillent aux grincements du portail métallique. Le geste matinal d’Emile, le libraire du coin, est un rituel.

Emile, 74 ans, pousse la porte de son petit coin, inspire fortement, pour s’imprégner de l’atmosphère familière. Il hoche la tête répondant à un étudiant attendant le bus « gentil ce garçon, comme son papa l’était à son âge », sourit à la jeune mariée du voisinage, et dépose les paquets de journaux qu’il a dans les mains.

Puis comme si tous l’attendaient, le petit espace autour de lui se remplit. Emile est dans tous les coins à la fois, souriant à tous, répondant à qui lui parle, plaisantant…
Un jeune cadre empoigne un hebdo et un paquet de cigarettes. Une étudiante saisit un roman récemment paru. Un garçon avec sa maman choisit son nouveau cartable. Sans oublier le vieux monsieur avec sa feuille de Loto, « le tirage c’est ce soir ! ».
Emile les reconnaît, il sait toutes leurs histoires. « Julien et sa famille immigrent au Canada, ils ne supportent pas la situation» «Elisa terminera ses études cette année » « Pauvre Miriam, elle voit rarement son mari, c’est un soldat » …

L’agitation matinale terminée, Emile réarrange les étagères. Le reste de sa journée s’avère plutôt ennuyeux si ce n’est pour quelques personnalités qui font leurs apparitions. Ces derniers se plaisent à discuter avec le libraire. Sa franchise qui frôle l’insolence, crée des échanges pétillants qui épicent ses journées. «J’en ai vu, moi, des personnages. Juges, députés et PDG sont tous mes amis. Ils parlent de tout et de rien ».
Philanthrope, Attentionné, Erudit, Emile est tout cela.
Mais aussi, Emile sait très bien que son entreprise est en danger « les gens n’ont plus le temps de lire. Les machines, l’Internet, bref; la technologie, tout cela me dépasse ».

La nuit commence à envelopper les bâtiments du quartier; la salle de cinéma délaissée, l’atelier clos d’un cordonnier. Seule la librairie est vivante « mais pour combien de temps ? ». C’est la question que se pose Emile chaque soir avant d’éteindre les lumières et de saluer ses voisins par les grincements du portail métallique qui se referme.

rédigé par Patricia Bou Jaoudé (1er article)

vendredi 16 novembre 2007

De blog à blog

Le journaliste David Hury vient d'animer une session sur l'interview dans le cadre du master. Il parle de cette expérience et dresse un petit portrait de la promo sur son blog, "Chroniques beyrouthines", à la date du 15 novembre 2007...
http://chroniquesbeyrouthines.blog.20minutes.fr/

Et au Liban, le débat sur les conditions de vie sur les sri-lankaises se poursuit. Il y a quelques semaines, la promo a discuté de ce sujet avec la réalisatrice libanaise Dima Al-Joundi. L'organisation Human Rights Watch vient de publier un nouveau rapport qui dénonce les abus commis dans la région contre ces personnes.
http://hrw.org/reports/2007/srilanka1107/

lundi 12 novembre 2007

Révélations d'une femme violentée

Afaf assume le choix de ses parents aux oreilles bouchées et devient victime de violence au foyer. Soucieuse de ses enfants elle refuse de divorcer.

« Animal » me dit-il comme il dit « bonjour » aux autres. A 61 ans, Afaf, une solide petite femme aux cheveux noirs n’a plus aucune illusion. Chaker, son mari, n’est que violence. Il ne cesse de la cogner avec le coude ou avec le poing chaque fois qu'il la croise dans la maison. Il ne se dérange pas de se balader en slip devant les invités. « Il me traite de pu. Et dit qu'elle a plus d'honneur que moi » ajoute-t-elle. Mariés depuis 1973, son comportement devient de plus en plus agressif. Haussant ses épaules elle résume « sa maladie je l'ai enfin trouvé. C'est un paranoïaque ». Afaf, aux yeux brillants cachés derrière des lunettes de couture, ne se lasse de travailler pour décorer son appartement ou de le renouveler bien qu'elle est toujours menacée de le quitter à jamais. Elle ne regrette rien « mon sort je l'accepte tel qu'il est ». La révolution « j’aurais dû la faire tout au début, j’aurai dû dire NON, je ne savais pas que je perdais toute une vie ». et avec un soupir profond « quand même j’ai gagné : mes enfants ».

Son seul souci «mes enfants je les veux heureux et je dois leur cacher ma misère pour qu'ils restent équilibrés ». Ils ne doivent pas savoir que fait leur père. Passant ses doigts de dentellière dans ses cheveux, elle s'ajuste et raconte l'un des plus récents souvenirs : « un après midi, seule à la maison, allongée sur le canapé, j'ai senti quelque chose qui vient claquer sur mon visage. A peine j'ai relevé les yeux pour prendre conscience de ce qui se passe, que des coups d'une chaussure viennent s'installer sur mon corps. J'ai couru dans la maison et lui, un fou, toujours derrière moi jetant sur ma tête les casseroles, les pots en verre, tout ce qu'il trouve devant lui en criant « je veux t'éduquer sa., pu. ». Par la force il entre dans la chambre où je me cache, me jette par terre et je ne me rappelle plus ».Elle veut que cette histoire comme d'autres restent inconnues, mais celle-ci a duré plusieurs jours « et plusieurs fois il prend par la force ce qu'il prétend être son droit conjugal ». Un foulard au cou, chemise manches longues et pantalon sont les outils qu'elle utilise pour cacher les traces d'une violence «mais celles qui se trouvent là » montrant du doigt son coeur « pas moyen ils creusent et font un mal irrémédiable ». Elle ne cesse de répéter « qu'est ce qu'une vie avec une personne égoïste, hantée par le plaisir sexuel. Un orgasme qui ne s'achève que par la masturbation ? ».

Les moments heureux, elles ne les a pas vécus entiers dit-elle « il y a des fois où il devenait doux, aimable et tout d'un coup comme s'il se rappelle de quelques choses, il me faisait tomber du septième ciel où il m'avait mise. D'abord je ne comprenais pas son attitude mais petit à petit je commençais à me méfier. C'est une personne déséquilibrée ».

Et là, qu’une crise de toux étrange lui arrive « ce n'est pas contagieux et les spécialistes que j'ai vus m'ont expliqué que c'est le stress, des fois j'étouffe et je ne peux plus respirer ».
Parler de divorce n'est pas une question « mes enfants vont être gênés et le plus important c'est qu'il ne va pas les laisser en paix. Il va faire courir des mensonges et de gros mots à leur égard. Je le connais très bien. Il n'a jamais payé leur scolarité ni leurs études universitaires ». Elle affirme qu'aujourd'hui ce n'est plus la peine « quand ils étaient petits j'avais demandé le divorce. Mais comme j'ai eu peur qu'il ne me laisse plus les voir je suis revenue». Maintenant c'est lui qui ne veut pas divorcer, affirme Afaf « c'est l'argent de ma retraite qu'il pense prendre ». Au bout d'un certain temps, elle reste silencieuse, ronge ses ongles, lève sa tête pour chasser une idée, elle dit d'un ton triste : « toute mon histoire a commencé quand ma soeur aînée a convaincu mes parents que cet homme est le meilleur de tous, alors pourquoi le refuser et que c'est moi la têtue, la rebelle, la vaniteuse pour qui se prend-elle ». Les parents bouchent les oreilles et Afaf a cédé et non pas « accepté ».

C’est avec les fils pour broder, et son jardin suspendu au huitième étage qu’elle se referme et dresse un mur difficile à franchir, attendant le présent devenu le passé.

Randa Abou Chacra

jeudi 8 novembre 2007

Mes impressions sur Claude qui malheureusement nous a quittés

Je ne sais pas si vous partagez mon avis sur claude, mais moi, elle m'a marquée. Son ouverture d'esprit, sa passion pour son métier, sa patience et sa gentillesse, m'ont permis de m'accrocher à ce futur métier qu'est le journalisme.
C'est vrai qu'elle nous a fait travailler comme des ânes, mais même cela jelui pardonne, car nous avons vraiment beaucoup appris sur le terrain( et c'est nettement moins ennuyeux que les cours théoriques!)
Le problème, c'est qu'on a eu le meilleur pour le début, et les autres profs devront être vraiment à la hauteur pour nous faire oublier un peu Claude.
Vous êtes libres de ne pas être de mon avis, mais moi elle me manque un peu disons.....
C'est dommage qu'elle ne puisse pas revenir, Attendons la suite des profs..
Salutations à tous
LAMIA

Compte-rendu du documentaire"Bonnes à vendre"

Exemple de compte-rendu à suivre si vous le voulez.En esperant que les autres cours soient aussi interessants que ceux de Claude, mais avec moins de travail.



Rencontre / Débat autour du documentaire « Bonnes à vendre »

Mardi 23 Octobre, une rencontre suivie d’un débat s’est déroulée au centre culturel Français, entre la réalisatrice du documentaire « Bonnes à vendre » Mme Dina El Joundi, et des étudiants en DES de journalisme de l’Université Libanaise. Ayant vécut deux ans au Sri Lanka, Mme Jundi, a été frappée par la misère et le traitement réservés à ces femmes à leur arrivée au Liban. De retour au pays, elle décide à travers ce documentaire de faire éclater cette vérité cachée.

Dans la salle, un silence impressionnant. Les élèves visiblement émus ressassent dans leur tête, les images bouleversantes du documentaire qu’ils viennent de voir. La réalisatrice a gagné son pari « faire prendre conscience aux gens d’une situation dérangeante qu’il n’est plus permis de taire. »
« Bonnes à vendre » est l’histoire de ce « business » à travers le regard et la parole de ces femmes Sri Lankaises. Il montre d’une façon poignante tout le côté humain, déchirement, séparation, isolement de ces personnes traitées plus souvent en tant que bonne négligeant le côté humain.
D’un coup, les questions sur les détails techniques du film, sa réalisation, leur approche avec ces femmes, fusent de partout. Comment a-t-elle pu accéder à l’intimité de ces femmes ?«C’est le respect et le rapport de toute l’équipe envers ces personnes, qui nous ont permis de rentrer dans l’intimité de ces femmes, » avoue Mme Jundi.
A-t-elle voulu à travers ce documentaire réveiller la conscience des Libanais sur le mauvais traitement infligé à ces domestiques ? «Je laisse au lecteur le choix de décider et de juger ce qui lui semble injuste. » avoue la réalisatrice.
Les questions se poursuivent glissant parfois sur des terrains assez délicats, qui suscitent des réactions agitées chez ces étudiants : l’esclavage au Liban, le racisme des libanais envers les personnes de couleurs. Beaucoup de sujets que la réalisatrice essaie d’expliquer à travers son expérience et son travail. «. Il est inconcevable que la loi du travail s’applique à tous les travailleurs à l’exception des domestiques étrangers, » explique Mme El Jundi. Il est inadmissible que l’on ôte le passeport de ces femmes à leur arrivée au pays, C’est leur enlever toute identité. De même lui interdire le droit de sortir, l’enfermer dans une maison ou même la faire dormir dans des espaces inhumains, c’est cela l’esclavage » martèle Mme El Jundi
A la question de savoir qu’elle est la différence entre journaliste et documentaliste, Mme Jundi affirme que «le journaliste est manipulateur à travers le texte et les informations qu’il fait passer au lecteur. Alors qu’un documentaire permet de rester fidèle au réel qu’il voit à travers l’image qu’il véhicule. Dans un documentaire on laisse l’espace au silence, aux non-dits.»
Deux heures de débats intensifs où tensions et «heurts» laissent apparaître toute la diversité d’idée et d’opinions d’un peuple soumis à l’influence de différentes cultures et d’une influence sociale très présente dans le pays.

Lamia Darouni

jeudi 1 novembre 2007

wedyane

Le nucléaire en Egypte
Moubarak : pour diversifier les ressources énergétiques du pays

Le président égyptien annonce, lundi, la construction des centrales nucléaires pour diversifier les ressources énergétiques du pays.

La maison blanche n’a signalé aucune objection à la relance annoncée, lundi, par son allié égyptien de son programme nucléaire civil. « Je ne sais pas grand-chose à ce propos. De manière générale, nous soutenons les pays qui veulent se doter de l’énergie nucléaire civile », réplique le porte parole de la maison blanche Dana Perino. Housni Moubarak annonce la construction de plusieurs centrales d’énergie atomique. Selon l’agence officielle égyptienne, Moubark assure que les centrales seront construites dans la transparence en coopération avec l’agence internationale de l’énergie atomique (aea) qui veille à la non prolifération. L’Egypte ne cherche pas à se doter de l’arme nucléaire. Mais, Mohamed Abdel-Salam du centre d’études politiques et stratégiques du Caire affirme que l’Egypte est très sensible au fait que l’Iran compte mettre en service l’an prochain sa centrale nucléaire de Bushehr.
La presse, citant des ressources officielles anonymes, a récemment affirmé que le gouvernement envisage la construction de trois centrales d’une capacité de 1800 mégawatts, d’ici 2020.
Notons que le programme nucléaire civil égyptien a été suspendu après la catastrophe de la centrale ukrainienne de Tchenobyl en avril1986. Et que l’Egypte a signé le traité de non prolifération nucléaire et soutient officiellement l’élimination des armes nucléaires au moyen orient.

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