lundi 26 novembre 2007

Entretien avec Joseph Chami, ancien journaliste et chronique historique

“Au Liban, il n’y a pas de peuple, il y a des partisans”


A quelques jours de l’élection présidentielle, Joseph Chami, auteur d’une série de livres retraçant l’histoire moderne du Liban, fait le point sur la contoverse du système électoral.


Quel système électoral a jusqu’à présent le plus représenté la volonté du peuple?

Une loi a été établie sous le mandat du président Camille Chamoun. Il s’agit d’une loi pour les élections parlementaires, mais c’est un exemple de représentation honnête du peuple. A l’époque, on avait un parlement de 44 députés. On a alors divisé le pays en 33 circonscriptions afin d’élire 44 députés. Il est vrai qu’une coloration confessionnelle était attribuée au député, mais il représentait sa région sans aucun doute. Actuellement, avoir 20 candidats sur une même liste fait passer n’importe quel personnage, qu’il soit représentatif ou non.

Quel serait alors le meilleur système électoral à adopter pour élire un Président de la République?


Je me prononce pour le système binominal.Dans ce cas, c’est la population qui nomme son représentant qui élit lui-même le député au deuxième tour. Mais actuellement, il existe une divergence d’opinion artificiellement gonflée. Il est facile de se quereller quand on ne veut pas s’approcher. La divergence d’interprétation des articles constitutionnels est déplacée, ce n’est qu’une façon d’éviter le problème en tant que tel. La question qu’on devrait se poser n’est pas quel système, mais que ferait le nouveau président? Dans quel sens pourra-t-il agir? Un président consensuel ou un moine habitant Baabda peut-il résoudre le problème?

Qu’en est-il de l’élection à la majorité parlementaire simple?

L’élection à la majorité absolue accentue le caractère de défit de la crise. Il ne faut pas qu’un candidat sente que l’autre lui lance un défit ouvert. Il faut éviter de couper le fil consensuel, éviter les mesures d’exacerbation. Tout afin d’échapper au vide constitutionnel, mais ce n’est qu’une vacance au poste présidentiel. Prenons l’exemple de la principauté belge qui n’a pas de président depuis près d’un an. Les administrations sont toujours fonctionnelles, il n’y a que la chaise du président qui est vide.

Pourquoi ne pas opter pour l’élection présidentielle au suffrage universel proposée par le chef du Hezbollah et le chef du CPL (Courant Patriotique Libre)?

Pourquoi changer le système? Actuellement, ces camps proposent ce système sachant que numériquement, ils peuvent avoir la majorité. L’aile chrétienne risque ainsi d’être tributaire de la volonté d’une ou de deux ailes musulmanes. Le suffrage est actuellement souhaité pour qu’une des trois composantes soit obligée de coopérer avec les deux autres. On serait en train d’élire un président maronite choisi par le musulman. Il ne faut pas accentuer les clivages. Les libanais ne sont pas prêts à assumer cette responsabilité.

Les libanais manqueraient de compétence…

Je suis pour consulter le peuple. Mais on doit faire face à une réalité: 80% des électeurs manquent d’éducation. Tant que les libanais réagiront en tant que “liés à” et non en tant que citoyens libanais, il leur est impossible de prendre en charge l’élection de leur Président. Au Liban, il n’y a pas de peuple, il y a des partisans. Comment effectuer un suffrage universel quand un citoyen est mesuré par rapport à sa confession? Tant qu’on n’aura pas dispensé une éducation globale, l’utilisation de la démocratie fausse le principe.


Articles de la Constitution Libanaise liés à la controverse du quorum:
Article 34
La Chambre ne peut valablement se constituer que par la présence de la majorité des membres qui la composent légalement.Les votes sont acquis à la majorité des voix. En cas de partage égal, la question mise en délibération est rejetée.

Article 49
Le Président de la République est élu, au premier tour, au scrutin secret à la majorité des deux tiers des suffrages par la Chambre des députés. Aux tours des scrutins suivant, la majorité absolue suffit.

Article 79
La chambre des députés saisie d’un projet de loi constitutionnelle ne peut valablement délibérer et procéder au vote à son sujet que lorsqu’une majorité des deux tiers des membres qui la composent légalement se trouve réunie et le vote doit intervenir à la même majorité.


Propos recueillis par Janine Ayoub

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