lundi 12 novembre 2007

Révélations d'une femme violentée

Afaf assume le choix de ses parents aux oreilles bouchées et devient victime de violence au foyer. Soucieuse de ses enfants elle refuse de divorcer.

« Animal » me dit-il comme il dit « bonjour » aux autres. A 61 ans, Afaf, une solide petite femme aux cheveux noirs n’a plus aucune illusion. Chaker, son mari, n’est que violence. Il ne cesse de la cogner avec le coude ou avec le poing chaque fois qu'il la croise dans la maison. Il ne se dérange pas de se balader en slip devant les invités. « Il me traite de pu. Et dit qu'elle a plus d'honneur que moi » ajoute-t-elle. Mariés depuis 1973, son comportement devient de plus en plus agressif. Haussant ses épaules elle résume « sa maladie je l'ai enfin trouvé. C'est un paranoïaque ». Afaf, aux yeux brillants cachés derrière des lunettes de couture, ne se lasse de travailler pour décorer son appartement ou de le renouveler bien qu'elle est toujours menacée de le quitter à jamais. Elle ne regrette rien « mon sort je l'accepte tel qu'il est ». La révolution « j’aurais dû la faire tout au début, j’aurai dû dire NON, je ne savais pas que je perdais toute une vie ». et avec un soupir profond « quand même j’ai gagné : mes enfants ».

Son seul souci «mes enfants je les veux heureux et je dois leur cacher ma misère pour qu'ils restent équilibrés ». Ils ne doivent pas savoir que fait leur père. Passant ses doigts de dentellière dans ses cheveux, elle s'ajuste et raconte l'un des plus récents souvenirs : « un après midi, seule à la maison, allongée sur le canapé, j'ai senti quelque chose qui vient claquer sur mon visage. A peine j'ai relevé les yeux pour prendre conscience de ce qui se passe, que des coups d'une chaussure viennent s'installer sur mon corps. J'ai couru dans la maison et lui, un fou, toujours derrière moi jetant sur ma tête les casseroles, les pots en verre, tout ce qu'il trouve devant lui en criant « je veux t'éduquer sa., pu. ». Par la force il entre dans la chambre où je me cache, me jette par terre et je ne me rappelle plus ».Elle veut que cette histoire comme d'autres restent inconnues, mais celle-ci a duré plusieurs jours « et plusieurs fois il prend par la force ce qu'il prétend être son droit conjugal ». Un foulard au cou, chemise manches longues et pantalon sont les outils qu'elle utilise pour cacher les traces d'une violence «mais celles qui se trouvent là » montrant du doigt son coeur « pas moyen ils creusent et font un mal irrémédiable ». Elle ne cesse de répéter « qu'est ce qu'une vie avec une personne égoïste, hantée par le plaisir sexuel. Un orgasme qui ne s'achève que par la masturbation ? ».

Les moments heureux, elles ne les a pas vécus entiers dit-elle « il y a des fois où il devenait doux, aimable et tout d'un coup comme s'il se rappelle de quelques choses, il me faisait tomber du septième ciel où il m'avait mise. D'abord je ne comprenais pas son attitude mais petit à petit je commençais à me méfier. C'est une personne déséquilibrée ».

Et là, qu’une crise de toux étrange lui arrive « ce n'est pas contagieux et les spécialistes que j'ai vus m'ont expliqué que c'est le stress, des fois j'étouffe et je ne peux plus respirer ».
Parler de divorce n'est pas une question « mes enfants vont être gênés et le plus important c'est qu'il ne va pas les laisser en paix. Il va faire courir des mensonges et de gros mots à leur égard. Je le connais très bien. Il n'a jamais payé leur scolarité ni leurs études universitaires ». Elle affirme qu'aujourd'hui ce n'est plus la peine « quand ils étaient petits j'avais demandé le divorce. Mais comme j'ai eu peur qu'il ne me laisse plus les voir je suis revenue». Maintenant c'est lui qui ne veut pas divorcer, affirme Afaf « c'est l'argent de ma retraite qu'il pense prendre ». Au bout d'un certain temps, elle reste silencieuse, ronge ses ongles, lève sa tête pour chasser une idée, elle dit d'un ton triste : « toute mon histoire a commencé quand ma soeur aînée a convaincu mes parents que cet homme est le meilleur de tous, alors pourquoi le refuser et que c'est moi la têtue, la rebelle, la vaniteuse pour qui se prend-elle ». Les parents bouchent les oreilles et Afaf a cédé et non pas « accepté ».

C’est avec les fils pour broder, et son jardin suspendu au huitième étage qu’elle se referme et dresse un mur difficile à franchir, attendant le présent devenu le passé.

Randa Abou Chacra

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